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4 janvier 2021
Qu’est-ce que la différenciation territoriale ? Qu’est-ce qu’une expérimentation ?
En novembre 2017, le Président Macron a déclaré vouloir conférer aux collectivités territoriales une capacité inédite de différenciation, c’est-à-dire renforcer la faculté d’adaptation des règles aux territoires. A la différence du processus de décentralisation, cette démarche vise moins à renforcer les compétences des collectivités qu’à leur assurer des marges d’action afin de répondre aux enjeux qui […]
En novembre 2017, le Président Macron a déclaré vouloir conférer aux collectivités territoriales une capacité inédite de différenciation, c’est-à-dire renforcer la faculté d’adaptation des règles aux territoires. A la différence du processus de décentralisation, cette démarche vise moins à renforcer les compétences des collectivités qu’à leur assurer des marges d’action afin de répondre aux enjeux qui leur sont propres.
Le projet de loi organique relatif à l’expérimentation par les collectivités territoriales présenté en juillet 2020, s’inscrit dans cette approche. Il vise à simplifier les conditions de mise en œuvre des expérimentations territoriales, qui concrétiseraient le principe de différenciation.
Les expérimentations : un premier pas vers la conception de solutions différenciées pour des situations locales différentes
L’expérimentation trouve son origine dans la jurisprudence, et s’applique en premier lieu aux établissements publics d’enseignement. En 1993, le Conseil Constitutionnel affirme ainsi que la loi peut prévoir à titre expérimental, sans base constitutionnelle et pendant une durée déterminée, que certaines universités dérogent au statut de droit commun pour expérimenter de nouvelles formes d’organisation.
La révision constitutionnelle de 2003 institutionnalise le principe d’expérimentation. Deux articles de la Constitution ouvrent désormais la voie à deux types d’action pour les collectivités territoriales :
- Au titre de l’article 37-1 de la Constitution, « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limitée, des dispositions à caractère expérimental ».
- Au titre de l’article 72 alinéa 4 de la Constitution : « Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences »
Les expérimentations permettent une adaptation aux spécificités des territoires, mais au prix d’une complexification l’ordonnancement juridique. En effet, la différenciation induit une dérogation au principe d’unité d’application sur le territoire.
Quel bilan ?
Le Conseil d’État a réalisé un bilan de l’expérimentation dans une étude de 2019. Il répertorie 269 expérimentations depuis 2003, avec une montée en puissance progressive au fil des années.
Si le régime d’expérimentations issu de l’article 37-1 a rencontré un franc succès, le bilan est contrasté concernant l’article 72. En effet, seules 4 expérimentations ont été réalisées sur le fondement de cet article. Ce résultat est essentiellement dû à la longueur et à la complexité de la procédure. La loi organique prévoit en effet 7 étapes pour permettre à une collectivité d’entrer dans une expérimentation.
Par ailleurs, malgré un recours croissant à l’expérimentation et la progression d’une culture de l’innovation dans les administrations, des carences méthodologiques demeurent. L’étude mentionne notamment la faible association des acteurs et du public concernés par l’expérimentation et le manque d’évaluation ex post. Ces malfaçons fragilisent les résultats de l’expérimentation, au risque d’induire en erreur les décideurs publics.
En conséquence, le Conseil d’État a proposé un cadre méthodologique pour les expérimentations. Le récent projet de loi s’est appuyé sur ce cadre pour faciliter la différenciation. Il recommande notamment :
- Une plus grande attention apportée à la préparation de l’expérimentation. Cela passerait par le choix de sa durée, la définition de ses objectifs et de ses critères de réussite. Il convient également de définir les modalités d’une évaluation objective ;
- D’y consacrer des moyens suffisants
- D’y associer davantage le public, les fonctionnaires, les élus, ainsi que les organisations professionnelles et syndicales.
- D’en renforcer la transparence
- D’améliorer et de modifier la loi organique de 2003, afin de faciliter la participation des collectivités territoriales aux expérimentations et de donner aux élus davantage de marges de manœuvre et de responsabilités.
Vers un approfondissement du principe de différenciation ?
Le récent projet de loi organique vise à simplifier la procédure d’entrée des collectivités territoriales dans les expérimentations du 4e alinéa de l’art. 72. Son adoption constituerait donc une traduction concrète du principe de différenciation.
Il supprimerait notamment le régime d’autorisation préalable et la longue procédure associée. Les collectivités territoriales pourront par une simple délibération décider de participer à une expérimentation. Par ailleurs, les actes pris par les collectivités dans le cadre d’une expérimentation ne devront plus, pour être exécutoires, faire l’objet d’une publication au Journal officiel.
Enfin, le projet de loi introduit deux nouvelles issues aux expérimentations, rompant avec l’alternative binaire existante. En effet, jusqu’à présent, l’issue d’une expérimentation était soit son abandon, soit la généralisation des mesures expérimentales à l’ensemble des collectivités territoriales. Le projet de loi y ajouterait la possibilité de maintenir des mesures expérimentales dans tout ou partie des collectivités ayant participé à l’expérimentation et de les étendre à d’autres. Il permettrait aussi de modifier les dispositions régissant l’exercice de la compétence concernée par l’expérimentation à l’issue de celle-ci.
Ainsi, ce projet de loi organique permettrait de faire progresser le principe de différenciation à travers la simplification des expérimentations. Plus largement, il renforcerait le pouvoir règlementaire dont disposent les collectivités pour exercer leurs compétences.
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